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De Brest à Vladivostok,en passant p ar les capitales d'Europe du Nord, et une escapade en Mongolie, billets d'humeur d'une voyageuse. Europe centrale

Oberwesel et la Lorelei

La ruine gothique de la chapelle Saint Werner de Bacharach ou d'Oberwesel

 

 La ruine gothique de la chapelle  Saint Werner

 

Un poudroiement de soleil a brûlé la photo, mais elle est visible la ruine gothique et sa triste histoire!

Un blog de "Médiapart" remet l'histoire dans son contexte mieux que je ne saurais le faire. Il a pour titre :

"Saint Werner figure malheureuse d’un blanc-seing antisémite"

 Le Rhin demeure ce fleuve aux aspects féodaux, républicains et impériaux, selon Victor Hugo(1) ce fleuve aux prises avec d’anciennes batailles, dont les nombreux châteaux sont les derniers témoins. Les menaces d’attaques ne sont désormais plus que des rocs en forme de casque et des navires emplis de touristes aux yeux pacifistes. Les ruines nous observent avec douceur et le fleuve ample n’entend plus la rive gauche proclamer la haine des envahisseurs français face au mépris des Allemands pour leur général corse. Le Rhin s’élève dans l’étendue de ses falaises qui le bordent et fixe à jamais, sous ces ciels argentés, la poésie de ceux qui l’ont contemplé. Chaque village entre Mayence et Coblence, ressemble à un havre de paix où se confond l’histoire dans les ruelles moyenâgeuses, où les époques se mélangent aux maisons à colombage et aux beaux encorbellements. Les anciennes murailles de pierre qui protégeaient les villageois se sont transformées en ligne où se posent les nouvelles habitations, l’ancien chemin de ronde est devenu un lieu de promenade où l’on échange courtoisement. La voie de chemin de fer passe au plus près de cette ceinture de pierre et salue le Rhin à la nuit tombante avec son œil de cyclope au-devant de sa locomotive.

Il faut se hisser sur les falaises pour admirer toute la force du Rhin, son mouvement magistral, et se remémorer les vers de Hölderlin qui le célébrait en père divin de la nation allemande (2), lui le fleuve qui naquit dans un giron sacré pour nourrir ses enfants et les cités qu’ils fondèrent. Mais par-delà l’origine mythologique de l’Allemagne, sous les ruines se cachent des blessures enfouies, une voix évanouie sous les tumultes des foules nourries à la source même du fleuve, des foules qui ont corrompu la vie qui s’y développait pour apporter la mort. Dans la falaise, à peine au-dessus du village de Bacharach, se dressent les ruines d’une église gothique, la Wernerkapelle; celle-ci fut érigée en hommage au jeune Werner, retrouvé mort en 1287 à l’âge de quatorze ans, dans le lieu-dit de Windsbach, tout près de Bacharach. Le traumatisme occasionné par la vision du corps exhibé en place publique, conduisit la population locale à demander sa béatification, et ce contre l’avis des autorités cléricales qui ne virent en cet enfant, qu’une victime d’un crime sexuel, et non un martyr pour la foi.

L’ouverture du coffre funéraire, deux siècles plus tard, lors du procès en canonisation, permit de découvrir que le jeune homme portait des vêtements propres aux personnes vierges et que son corps avait été mutilé, probablement à coups de serpe, instrument qui se trouvait auprès du cadavre. Les villageois avaient pensé au moment de son inhumation que le jeune Werner était un ouvrier venu travailler dans les vignes et la serpe lui servait d’instrument de travail. De plus, près d’un mois après l’assassinat, le témoignage d’une femme de ménage d’Oberwesel confirma que le bon Werner « Der guote Werher », était bien un ouvrier viticole. En conséquence, Werner fut mis au tombeau dans la chapelle de Bacharach avec ce qui était prétendument son instrument de travail alors qu’il s’agissait de l’arme du crime. Aussi absurde que cela puisse paraître, cette serpe deviendra l’attribut distinctif de celui qui, sous l’influence d’un chanoine de Besançon au XVIe siècle, se transformera en Saint patron des vignerons.

Dans la plupart des représentations de Saint Vernier en Français, la serpe est l’élément distinctif qui fait de cet enfant martyr, la figure tutélaire des viticulteurs  Au fil du temps, la vie de Werner se remplira de détails et d’évènements qui désigneront les coupables de son meurtre. L’histoire qui fera de cet enfant innocent, le patron des vignerons, en fera aussi le patron des antisémites en Allemagne ou plus exactement le blanc-seing pour toutes les exactions à l’encontre des Juifs  Un mois après sa mort en avril 1287, près de quarante juifs seront assassinés (7) et la figure de Werner cristallisera la raison prétendue de ces actes de vengeance. De nombreuses déclarations, souvent très tardives, désigneront les Juifs comme les assassins de Werner, ceux-ci l’auraient tué pour qu’il renie sa foi, comme au temps d’Hérode et des Saints innocents. Le traitement de Werner devint, selon les versions, plus horrible à mesure que les siècles passèrent ce qui permit très certainement de justifier les pogroms organisés par les populations et l’autorité des villages près de Bacharach. De plus, les témoignages désignèrent progressivement Pâques, comme le jour dit de l’assassinat de Werner par les Juifs, afin d’intensifier la soi-disant propension des Juifs à crucifier les innocents chrétiens, après celle du Christ, et à accomplir des meurtres rituels .

La disparition de ces familles juives permit aux populations de reprendre possession des vignes, passées pour certaines parcelles aux mains des Juifs qui officiaient comme prêteurs sur gages en fixant des taux d’intérêt souvent très élevés. Dans ce contexte de reprise en main des propriétés viticoles, venger l’assassinat de Werner devenait un prétexte idéal. Mais c’est aussi par ces récits de meurtre rituel, les Juifs étant censés avoir bu son sang lors des fêtes de Pessah, que le processus de canonisation de Werner put s’effectuer à la demande pressante de l’opinion populaire. 

Les ruines de l’église de Bacharach, désormais appelée chapelle de Werner, attestent de l’importance du drame, dans la mesure où la chapelle était originellement destinée à Saint Cunibert, évêque de Cologne et non au jeune martyr. L’engouement des pèlerins et la demande des villageois furent tels que les autorités ecclésiastiques durent procéder à la canonisation de l’enfant en 1426, puis lors des travaux d’agrandissement de l’église, céder sur le nom de l’église en inscrivant « capella sancti Wernehri ».La chapelle de Saint Werner a subi les assauts du temps, détruite en partie par l’explosion du château, les glissements de terrain et le mépris de la Réforme. Il ne reste aujourd’hui de cette église, qu’une petite partie qui fait dignement face au Rhin, dans son architecture gothique et ses habits de grès rouge. Sur son étroite bande de terre, la chapelle de Saint Werner, symbolise selon la plaque déposée par le Pape Jean XXIII, le devoir de mémoire et l’espoir d’une entente nouvelle entre les peuples et les religions "

 

 

 

Un dernier regard sur le château de Schönburg et c'est la descente vers le bourg d'Oberwesel 

 

 

 

 Château fort Schönburg dominant le bourg d'Oberwesel

 

La particularité du bourg d'Oberwesel, ce sont ses remparts. Imaginez une enceinte d'une circonférence de 3 kilomètres ponctuée de 21 tours...il n'en subsiste que 16 de nos jours.    
 Les fortifications de la ville d'OberweselOberwesel et la Lorelei Steingassenturm

 

   Ochsenturm la tour médiévale 

Ochsenturm, "la tour du boeuf" se dresse comme une pointe à l'extrémité nord de la muraille de la ville. Plus que toutes les autres tours elle manifeste la puissance et la confiance en soi de la ville médiévale d' Oberwesel

 

 

Une petite carte pour se situer géographiquement :

 la carte du Rhin romantique

  

Sur la carte, une petite étoile signale le rocher de la Lorelei

C’est un lieu mythique que vénérait mon professeur d’allemand. Les légendes, les poètes ont chanté sa beauté, les amoureuses ont versées des torrents de larmes qui alimentent toujours les eaux du Rhin romantique. Depuis un bateau de croisière, la vue est superbe!

La Loreley ( Lorelei ) est un rocher schisteux de 132 mètres de haut, il fait partie du patrimoine mondial de la Vallée du Haut-Rhin moyen. Les premières traces d'habitation humaine datent du temps où le plateau de la Loreley était au même niveau que le Rhin (il y a plus de 600.000 ans). La Loreley était un des endroits les plus dangereux du Rhin Beaucoup de bateliers dans leurs canots en bois ont fait naufrage contre la falaise. Le saint Goar qui s'établissait en face de la Loreley , s'engageait à sauver et soigner les matelots en détresse.

 Le Rhin forme, en contournant la falaise, un coude où le courant est particulièrement dangereux, si bien que, pendant longtemps, les bateaux se brisèrent contre le roc. Ces accidents donnèrent au rocher une funeste réputation. Un écho y était audible autrefois, lorsque les activités fluviales étaient moins bruyantes. Le son se répèterait sept fois.

On dit que la Lorelei était une sirène qui apparaissait assise sur le rocher dès que la nuit tombait, peignant ses longs cheveux d’or et chantant des mélodies envoûtantes. Les marins qui passaient trop près du rocher étaient complètement ensorcelés par la beauté de la sirène et par ses chansons.

Le mythe de la Lorelei ne date que du 19e siècle et c’est au poète romantique allemand Clemens Brentano (1778-1842) que l’on doit la création de ce personnage. 

Dans cette ballade, la Loreley est une beauté de la localité de Bacharach  qui veut mourir parce que son amant est infidèle. L'évêque, fasciné par sa beauté et son charme, l'emmène à un couvent. En cours de route vers le couvent, elle s'arrête sur la falaise pour regarder le château où est son amant et lui jeter un dernier regard. Quand elle le voit peu à peu disparaître, elle se jette désespérée dans les flots. Dans le conte de fées du Rhin de 1810, Brentano a changé le thème, de sorte que la Loreley, apparaisse en tant que femme éperdue "Lurlei", se reposant sur un rocher en peignant sa lumineuse chevelure.

 

C’est en 1801 que Brentano a évoqué une femme nommée Lore Lay, dans une ballade de son roman Godwi (Sechs und dreißigstes Kapitel)

 

Après avoir écouté la version choisie sur You tube,  vous pourrez constater que l'allemand n'est pas une langue gutturale! 

                           la Lorelei

 

 

Ci-dessous le poème de Heinrich Heine/Friedrich Silcher 

 

Je ne sais pas ce que cela signifie                                                 
Que je sois aussi triste ;
Un conte des temps anciens
Ne me sort pas de l'esprit.

Le vent est froid, et il fait sombre
Et calmement coule le Rhin  la Lorelei
Le sommet des montagnes étincelle
Dans la lumière du soleil au crépuscule.

La plus belle jeune fille est assise
Là haut merveilleusement
Ses bijoux d'or brillent,
Elle peigne ses cheveux d'or.

Elle les peigne avec un peigne d'or
Et chante une chanson en même temps
Qui est une merveilleuse,
Puissante mélodie.

Ce chant saisit le batelier dans sa barque
avec une violence sauvage
Il ne voit pas le récif
Il regarde seulement là haut, dans les hauteurs.

Je crois que les vagues engloutissent
A la fin le marin et la barque
Et cela avec son chant
La Lorelei l'a fait.

Traduction française littérale (wikipedia)

 

Et l'adaptation de Gérard de Nerval

Mon cœur, pourquoi ces noirs présages ?
Je suis triste à mourir.                                       la Lorelei
Une histoire des anciens âges
Hante mon souvenir.

Déjà l’air fraîchit, le soir tombe,
Sur le Rhin, flot grondant ;
Seul un haut rocher qui surplombe
Brille aux feux du couchant.

Là-haut, des nymphes la plus belle
Assise, rêve encore ;
Sa main, où la bague étincelle
Peigne ses cheveux d’or.

Le peigne est magique. Elle chante,
Timbre étrange et vainqueur,
Tremblez, fuyez ! La voix touchante
Ensorcelle le cœur.

Dans sa barque, l’homme qui passe,
Pris d’un soudain transport,
Sans le voir, les yeux dans l’espace,
Vient sur l’écueil de la mort.

L’écueil brise, le gouffre enserre,
La nacelle est noyée,
Et voilà le mal que peut faire
Lorelei sur son rocher.

Gérard de Nerval

 


Nous sommes au coeur des légendes de l'Or du Rhin,

C'est le moment d'écouter Wagner 

C'est le moment de relire Tolkien " l"histoire des nains sous la montagne et leur or maléfique...

 

 

 

 

 

 

 

 

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